La greffière s’est «volontairement précipitée dans le vide depuis la rambarde du premier étage» du tribunal d’Argentan, relate ce vendredi la juridiction de l’Orne. Son corps inanimé a été découvert jeudi aux alentours de 8 h 05 par une magistrate et un agent du greffe alors qu’elle gisait au pied de l’escalier du rez-de-chaussée.
Agée de 62 ans, la greffière «qui exerçait depuis de nombreuses années» était «très appréciée de tous», précise le communiqué du tribunal. Malgré les premiers soins prodigués, elle est morte à 22 h 10 à l’hôpital où elle avait été transférée avec un pronostic vital engagé.
La procureure de la République d’Argentan, Florence Sroda, a précisé que la fonctionnaire n’avait «rien laissé» pour expliquer sa décision. «Nous ne communiquerons pas davantage pour nous consacrer à l’accompagnement de tous les agents du tribunal dans ce terrible deuil», a-t-elle ajouté.
Une enquête ouverte
Une enquête de recherche des causes de la mort a été ouverte par le parquet et confiée au commissariat d’Argentan. Le directeur des services judiciaires est quant à lui annoncé au tribunal d’Argentan ce vendredi.
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A la question de savoir si son travail pouvait être à l’origine de la détresse de la greffière, le parquet n’a pas donné suite. Néanmoins, ce suicide interroge dans un contexte de crise majeure dans le milieu judiciaire. Depuis des mois, ses acteurs demandent des changements. Dénonçant leur «souffrance» au travail et leur «désespérance», magistrats et greffiers se sont rassemblés le 15 décembre partout en France aux côtés des avocats pour réclamer des moyens «dignes» pour la justice, alors que le malaise grandit au sein des tribunaux.
Suicide d’une juge de 29 ans en novembre
Ils dénoncent un sous-financement chronique par manque d’anticipation des besoins de la population, une contradiction structurelle entre une volonté d’égalité (la France est l’un des seuls pays au monde où les parties n’ont rien à payer pour initier une procédure) et une réalité budgétaire très éloignée de cet idéal, puisque le pays n’investit dans sa justice que 0,2 % de son PIB, tandis que la moyenne européenne s’établit à 0,32 % du PIB. Enfin, nombreux sont ceux qui dénoncent un présentéisme alarmant, démontrant des conditions de travail inacceptables poussant au burn-out ou pire.
En novembre, «l’Appel des 3 000» issu d’une tribune publiée par le Monde survenue après le suicide en août d’une juge de 29 ans avait interpellé collectivement le monde de la justice. La magistrate avait alerté sur ses deux premières années particulièrement éprouvantes, avant de se suicider. Le texte devenu viral avait été signé par plus d’un tiers des magistrats de France, dont plus de 5 000 magistrats en poste ou en devenir et plus de 900 greffiers.
Les greffiers, eux, sont les garants du respect de la procédure judiciaire. «On nous prend régulièrement pour des secrétaires», se désolait auprès de Libération en 2019 la greffière Fadila Taieb. En vérité, derrière ces postes se cachent des profils hautement qualifiés. 56 % des prétendants à l’école des greffes disposent déjà d’un bac +5, et seulement 10 % des candidats passent le cap de la sélection. La quantité de travail qu’ils doivent fournir en amont des audiences est elle aussi invisible.
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