« A 40 ans, préférer en finir dans une cellule souillée qui pue la mort plutôt que d’être renvoyé dans son pays, ce n’est pas concevable », tempête une avocate du barreau de Bordeaux, éprouvée par le décès d’un prévenu, mercredi 15 décembre, au sous-sol du tribunal judiciaire de Bordeaux où elle allait s’entretenir avec un client. L’homme s’est pendu aux grilles d’aération d’une cellule avec le cordon de serrage de la capuche de son sweat-shirt. Les policiers, puis les pompiers, n’ont rien pu faire pour le sauver. Il s’appelait Fitim Uka. Il avait 41 ans. Il était kosovar.

Selon les premiers éléments de l’enquête pour recherche des causes de la mort dévoilés par le parquet de Bordeaux le jour même du décès, le quadragénaire avait été déféré en fin de matinée et devait être jugé l’après-midi dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate pour soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement. « Le 13 décembre, il a refusé d’embarquer sur un vol pour Amsterdam puis Pristina », détaille son conseil, MAbraham Hervé Diompy, avocat de permanence de l’Institut de défense des étrangers du barreau de Bordeaux. Son client du jour n’avait pas voulu se soumettre à un test PCR conditionnant sa montée dans l’avion comme l’a indiqué le parquet de Bordeaux.

Le parcours de Fitim Uka a été reconstitué selon ses dires. « Il était arrivé en France il y a environ quinze ans, fuyant des conflits interethniques et une situation politique instable, dévoile Me Diompy, au vu du dossier qui lui a été communiqué. Il avait un passé traumatique douloureux lié à l’assassinat, le même jour, de quinze membres de sa famille. Il a quitté son pays avec son frère, qui vivrait en Alsace. Il n’a plus de famille, plus personne là-bas. »

« Fragilité psychiatrique »

Le jeune avocat est encore sous le choc. Il a été commis d’office quelques heures seulement avant le décès de son client. Il a rencontré un homme « costaud », « imposant », « tendu », « les yeux vides », « abîmé », « marqué par ses addictions », « le coude cassé », « qui parlait très bien le français ». Le défunt n’était « pas un gentil mec » ni un ange. « Il avait un passé judiciaire dense », souligne l’avocat. Une dizaine de condamnations à son casier judiciaire, essentiellement pour des vols. La dernière, de quatre mois ferme pour des violences conjugales contre son ancienne compagne venait d’être purgée à la prison de Gradignan (Gironde). « Il n’a jamais pu s’insérer socialement, poursuit Me Diompy. Il était sans domicile fixe, parfois accompagné par des dispositifs d’urgence, il était dépendant à l’alcool et à la drogue. Il suivait d’ailleurs un traitement à la prison. Il a eu une vie pas facile, notamment compliquée par sa fragilité psychiatrique. » L’avocat comptait faire valoir ces considérations humanitaires dans sa plaidoirie.

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