Ouverte depuis la perte d’un important contrat en novembre 2021, la bataille entre Orange et son sous-traitant Scopelec se déplace devant les juges. Jeudi 31 mars, selon une décision consultée par Le Monde, la coopérative a obtenu du tribunal de commerce de Paris une mesure conservatoire ordonnant, sans astreinte, à l’opérateur télécoms de maintenir le contrat à l’origine de la discorde jusqu’à une audience contradictoire prévue pour le 8 avril. Orange n’a pas souhaité faire de commentaire. Le marché perdu par Scopelec arrivait à terme le dernier jour de mars. Une filiale de la coopérative avait déjà demandé à la justice un maintien de la relation commerciale avec Orange, mais le tribunal de commerce de Lyon s’est déclaré incompétent le 30 mars.
« Cette décision ne constitue pas une victoire, mais elle permet de rééquilibrer le débat », estime une source proche de Scopelec. Depuis des semaines, malgré de multiples réunions, dont une dernière tenue, jeudi en fin de journée, sous l’égide du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), Scopelec et Orange n’ont jamais réussi à s’entendre sur le plan d’accompagnement qui pourrait permettre à la coopérative de traverser les difficultés financières engendrées par la perte de ce contrat historique.
Perte de 150 millions d’euros par an
Sans celui-ci, Scopelec devrait vivre avec 150 millions d’euros en moins par an, soit une coupe de 40 % dans son chiffre d’affaires. La société a obtenu son placement en procédure de sauvegarde, le 17 mars, pour se mettre à l’abri. Mais la plus ancienne société coopérative de France, créée en 1973, craint de finir en liquidation judiciaire si Orange ne l’aide pas à financer les indemnités de licenciements des techniciens touchés par la perte de chiffre d’affaires. Plus de 1 000 salariés seraient concernés. Le coût total d’un éventuel plan social est estimé à une cinquantaine de millions d’euros, selon une source proche du dossier.
Orange ne voit aucun fondement juridique qui justifierait une telle aide financière. L’opérateur se dit en revanche prêt à compenser une partie du marché perdu par l’attribution de « volumes additionnels temporaires ». Le groupe télécoms assure également avoir obtenu « un cadre contractuel acceptable, avec reprise d’ancienneté et maintien des conditions salariales » pour les techniciens qui seraient transférés vers les sous-traitants qui ont gagné le contrat.
Clause de mobilité
Scopelec n’est pas le seul sous-traitant concerné par la remise à plat des contrats d’Orange. Sogetrel a aussi perdu des marchés dans l’est et dans l’ouest de la France. En Loire-Atlantique, par exemple, 149 salariés sont touchés par cette perte de contrat, dont 50 vont aller chez Circet, un sous-traitant concurrent qui a remporté ce marché. Mais, pour les autres, s’ils refusent la clause de mobilité vers d’autres agences régionales de Sogetrel qui leur est proposée, un licenciement les attend. « Nous contestons que cette clause puisse être activée pour une perte de contrat, et nous demandons un accord de transfert global vers les autres sous-traitants locaux », déclare Sylvain Lamblot, secrétaire CGT poste et télécoms pour la Loire-Atlantique.
Plus largement, ces dossiers posent la question de l’organisation de la filière des infrastructures télécoms. Sa très forte croissance, grâce au déploiement de la fibre optique, a créé différents rangs de sous-traitants et une précarisation des techniciens, avec un important recours à des autoentrepreneurs. Chez Scopelec et Sogetrel, pour s’adapter à la perte des contrats avec Orange, de nombreux techniciens salariés ont déjà démissionné pour prendre ce statut, en espérant pouvoir travailler pour les nouveaux prestataires.
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