Sa décision était attendue depuis la promulgation de l’ordonnance instaurant, à l’automne 2017, un barème pour les dommages et intérêts en cas de licenciement abusif . Ce mercredi, la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur le sujet et sa décision est sans ambiguïté. Elle valide une application systématique de cet encadrement des indemnités prud’homales.

C’est une victoire judiciaire pour Emmanuel Macron qui, après avoir échoué à l’imposer lorsqu’il était à Bercy, avait fait de la mesure un marqueur de sa volonté d’assouplir le Code du travail. C’est aussi une victoire pour le patronat, qui réclamait un tel barème depuis de nombreuses années.

Jusque-là, si elle avait déjà conforté l’exécutif, la plus haute juridiction civile ne s’était prononcée que pour avis en assemblée plénière – c’était en juillet 2019 . Cette fois, ont été rendus deux arrêts sur des affaires examinées lors de l’audience qui s’est déroulée le 1er avril dernier , lors de laquelle avocats de salariés et d’employeurs ont confronté leurs arguments.

Cas d’école

Ce qui était en jeu n’était pas l’invalidation du barème in abstracto, c’est-à-dire dans son principe, dont les partisans eux-mêmes savaient qu’il était improbable. C’était la possibilité pour les juges de faire des exceptions à son application in concreto, c’est-à-dire si la particularité de la situation le justifiait.

L’une des deux affaires jugées offrait un parfait cas d’école : il s’agissait d’une salariée quinquagénaire licenciée sans cause réelle et sérieuse à son retour d’arrêt, ses sept mois de congé maladie ayant réduit son ancienneté sous les cinq ans et qui, deux ans après, n’avait toujours pas retrouvé d’emploi.

La Cour d’appel de Paris avait estimé le plafond du barème insuffisant. Erreur. « Il lui appartenait seulement d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux » déterminés par le Code du travail, a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation.

La décision enfonce le clou en soulignant que si un juge choisissait d’écarter le barème au cas par cas, cela « créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable […] » et « porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi ».

Arguments balayés

Les opposants au barème et les partisans d’une démarche in concreto s’appuyaient à la fois sur l’article 10 de la convention 158 de l’OIT et sur l’article 24 de la charte sociale européenne qui exigent une réparation « adéquate ». Leurs arguments ont été balayés. Concernant la charte, contrairement à la cour constitutionnelle italienne, la Cour de cassation a rejeté toute application directe à des litiges entre particuliers, donc entre salarié et employeur.

Les juges ont en outre estimé que la législation française sur le barème respecte la convention 158 de l’OIT. La raison ? Le grand nombre d’exceptions pouvant être invoquées, pas pour autant aisées à démontrer, serait en soi la garantie de réparation adéquate. Pour l’étayer, l’un des deux arrêts se livre à une longue énumération des cas exclus du barème par le Code du travail, du harcèlement moral ou sexuel à la protection de la maternité en passant par le licenciement d’un salarié protégé.

Il s’étend particulièrement sur la nullité des licenciements consécutifs à la violation d’une liberté fondamentale, citant liberté syndicale, droit de grève, droit à la protection de la santé, égalité homme-femme, droit à un recours juridictionnel ou encore liberté d’expression. Y est ajoutée la vingtaine de cas de discriminations punis par la loi.

Ce qui est certain, c’est que les employeurs, en particulier les plus petits, peuvent se satisfaire de la jurisprudence qui va maintenant infuser et rendre prévisible le coût d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle va a contrario amplifier la tendance déjà constatée chez les salariés ayant une faible ancienneté à ne pas aller en justice en cas de licenciement abusif du fait de la faiblesse de l’indemnisation.

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