« Comment peut-on douter de la responsabilité de l’ensemble des prévenus ? », s’interroge Me Hugues Leroy, avocat de la caisse d’Épargne.

Pour lui, tant l’ancien directeur de l’agence de Vernouillet que Tarik, le courtier occulte de la communauté pakistanaise, et l’ensemble des acheteurs de biens immobiliers, « font bien partie d’une bande organisée à l’origine de cette escroquerie. »

L’avocat évalue le préjudice de la banque à plus de six millions d’euros. « Tous ces biens immobiliers ont été achetés grâce à de faux documents, avec la complicité de l’ancien directeur de la banque et de Tarik, connu dans toute la communauté, pour faciliter l’octroi de prêts. »

Une analyse du dossier partagée par Pomme Durand, procureure de la République. D’emblée, la magistrate place le dossier sur le plan de la solidarité nationale. « Une escroquerie, c’est une bonne affaire qui a rencontré la mauvaise foi », lance la magistrate, en citant le journaliste Alfred Capus.

“Un dossier de tricheurs”

Constatant que les revenus officiels de la plupart des prévenus n’auraient pas pu leur permettre d’accéder à la propriété, la magistrate fait le procès du travail au noir.

« C’est un dossier de tricheurs, un dossier d’escrocs, assure Pomme Durand. Grâce au travail dissimulé, ils ont tout fait pour échapper à l’impôt. Ils se sont affranchis des règles de base pour devenir propriétaires. Les sommes d’argent réunies pour les apports personnels ne sont pas la manifestation de la solidarité pakistanaise. C’est du blanchiment ! »

La procureure remarque que plusieurs acheteurs ne survivaient officiellement que grâce aux minima sociaux. « Ils n’auraient jamais pu prétendre à un crédit immobilier. Mais Tarik pouvait faire de n’importe qui un propriétaire de biens immobiliers. »

Au tribunal judicaire de Chartres : des faux pour de vrais crédits

Pour Pomme Durand, cette escroquerie ne pouvait pas exister sans la complicité du directeur de l’agence de Vernouillet.
« Il n’a rien vérifié, parce qu’il ne voulait pas vérifier. Ce qui l’importait, c’est d’avoir de nouveaux clients pour développer son agence. »

Pour soutenir la thèse de la culpabilité de l’ancien cadre bancaire, la procureure remarque : « Il a rencontré Tarik au moins à trente-cinq reprises. Il ne lui a jamais demandé ses papiers d’identité. Il ne connaissait même pas son vrai nom. »

Les témoignages de certains des anciens collègues du directeur de l’agence de l’époque sont également cités par la magistrate. « Dans leur ensemble, ils se sont déclarés surpris par les risques inconsidérés pris par leur directeur. »
Pomme Durand réclame dix-huit mois de prison ferme contre l’ancien cadre bancaire, « qui pourront être aménagés sous forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique », ainsi que 30.000 € d’amende.

Plaidoiries à venir

Contre Tarik, le courtier occulte, qui a reconnu à la barre avoir fait de faux documents pour permettre aux crédits de passer, la procureure réclame une peine de prison ferme encore plus lourde : trente mois, plus 150.000 € d’amende « et une interdiction du territoire français pendant six ans. »

Pour les acheteurs, elle demande la confiscation des trente-huit maisons acquises grâce aux faux documents. « Elles ont pu être achetées grâce au délit d’escroquerie en bande organisée qui leur est reproché. Il s’agit donc du produit d’une infraction. »

Tribunal judiciaire de Chartres : est-ce le procès de la confiance trahie ?

Comme pour Tarik, le courtier occulte, la procureure demande l’interdiction du territoire français contre les prévenus qui ne possèdent pas la nationalité française.

Après les plaidoiries de la défense, ce jeudi 12 et vendredi 13 mai, le tribunal mettra certainement sa décision en délibéré.

Jacques Joannopoulos

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