Après quelques années de traversée du désert sûrement dues aux commandes de boulons de l’URSS, la planification semble faire son grand retour sur le devant de la scène. Déjà décomplexée par le « quoi qu’il en coûte » de la crise sanitaire, c’est la transition écologique qui lui donne une nouvelle jeunesse.
Celle-ci nécessite une transformation telle de l’économie, qu’il paraît acquis que la puissance publique est vouée à intervenir comme du temps du Commissariat général au plan.
Plans de cession
Des secteurs entiers devront être transformés. D’après le Plan de transformation du Shift (PTEF), 800.000 emplois seront détruits dans des secteurs tels l’automobile contre 1,1 million créé dans des secteurs tels l’agriculture soit des mouvements équivalents à environ un quart des emplois étudiés.
Pour mettre en oeuvre cette transformation de l’économie et de l’emploi, l’Etat devra être à la fois investisseur directement et créateur d’un environnement favorisant les investissements privés dans les actifs de la transition par la fiscalité et les normes.
A ce titre, un outil inattendu peut être particulièrement efficace : les reprises à la barre du tribunal (les plans de cession).
Priorité au maintien de l’emploi
Lorsqu’une entreprise est en difficulté, son activité peut être, après un « dépôt de bilan », cédée par décision du tribunal de commerce. La loi prévoit 3 critères pour choisir le repreneur : le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et l’apurement du passif. La plupart des commentateurs considèrent que ces critères sont listés par ordre d’importance. C’est ainsi qu’un candidat repreneur proposant un faible prix de cession pour payer les dettes mais maintenant l’activité et l’emploi peut l’emporter.
Cette priorité donnée au maintien de l’emploi se ressent très clairement dans les décisions des tribunaux de commerce. Sur les 458 plans de cession arrêtés en 2017 et 2018 analysés par KPMG, 76 % des emplois menacés ont été repris, alors que 6 % du passif en moyenne est apuré.
Ces statistiques démontrent l’impact de la hiérarchie de ces critères sur les décisions des tribunaux de commerce et par conséquent sur le tissu économique local.
Introduire un nouveau critère
C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour l’introduction dans les textes d’un 4e critère : le respect des objectifs de la planification écologique. Les tribunaux pourraient ainsi privilégier un repreneur porteur d’un projet s’inscrivant dans les objectifs de la planification écologique.
L’Etat planificateur pourrait également intervenir directement au soutien des repreneurs afin de leur permettre de présenter une offre de reprise cohérente avec les objectifs du plan. En effet, les reprises à la barre marquent souvent un tournant pour une entreprise et ses employés. C’est une occasion à ne pas manquer pour la transformation écologique.
Les tribunaux de commerce jouent déjà un rôle déterminant dans le tissu économique de leur ressort. En ajoutant ce critère, l’ancienne institution des juges consulaires peut devenir l’un des acteurs majeurs de la transformation écologique.
Ainsi, en ayant recours aux plus traditionnelles institutions du droit français, on peut inscrire l’économie de notre pays dans la modernité.
Baptiste de Fresse de Monval, avocat au barreau de Paris et maire de Margny-sur-Matz (Oise)
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