Six mois après le coup de gueule remarqué du procureur de la République, le président du tribunal judiciaire de Nantes, Franck Bielitzki, a à son tour dénoncé ce lundi le manque de moyens du tribunal de Nantes, réputé pour connaître l’une des situations les plus dégradées de France. Une prise de position loin d’être anodine à six semaines de l’élection présidentielle. Selon un « référentiel national » établi par la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ), il manque a minima 24 postes de magistrats à temps plein pour que le tribunal judiciaire nantais puisse répondre à sa charge de travail. Sans compter la cinquantaine de postes d’agents et de greffiers qui vont avec.

« Ça changerait quoi 24 magistrats supplémentaires ? explique Franck Bielitzki. C’est, par exemple, un juge des libertés et de la détention en plus. Un juge des affaires familiales en plus pour nous permettre de juger enfin des affaires dans un délai raisonnable : aujourd’hui c’est quinze mois d’attente pour une pension alimentaire, quinze mois pour les droits de visite et d’hébergement ! Ça signifie aussi un juge d’instruction en plus pour traiter les affaires de criminalité organisée. Ce sont quatre magistrats du siège supplémentaires pour abonder le tribunal correctionnel : nous avons 240 dossiers d’information judiciaire qui sont dans nos placards depuis plusieurs années sans être en capacité de les audiencer. »

« Ce n’est pas une demande pharaonique »

Le président du tribunal, qui a pris la pleine mesure de la situation nantaise depuis sa nomination en septembre, insiste. « Ce ne sont pas des moyens de confort. Ce n’est pas une demande pharaonique. C’est un objectif raisonnable et peut-être minimaliste compte tenu de l’évolution démographique. Le taux de sous-effectif à Nantes est de 42 % quand la moyenne nationale est de 35 %. Nous sommes en sous-effectif parmi les sous-effectifs. » Franck Bielitzki n’ignore pas que le calendrier électoral​ ne permettra pas une prise de décision rapide. « Nous ne demandons pas que ces 24 postes soient créés immédiatement. Mais il est important que la direction à prendre soit claire. J’espère que l’Etat a pris la mesure de ce que devait être la justice : un service public mais aussi une autorité judiciaire. »

Le tribunal judiciaire de Nantes compte aujourd’hui 51 juges à temps plein. « Pour être à la hauteur de la moyenne européenne, qui est de 17,7 magistrats professionnels pour 100.000 habitants, il nous faudrait 186 juges à Nantes. On en est très très loin », rappelle Franck Bielitzki.

« Nous faisons supporter aux victimes une attente inacceptable. »

« Les retards produisent d’autres retards et des situations de plus en plus compliquées à gérer, complète le procureur de Nantes, Renaud Gaudeul. On prend un temps considérable à répondre aux demandes légitimes de citoyens qui veulent savoir où en sont leurs dossiers. Et pendant qu’on fait ça, on ne traite pas le fond. Si on résorbait ces stocks de dossier qu’on a partout et qu’on traîne comme un boulet, peut-être qu’on serait plus efficace dans notre réponse judiciaire. »

« Nous avons régulièrement des assignations contre l’Etat pour déni de justice pour le retard concernant le rendu d’une décision judiciaire, ajoute Franck Bielitzki. Nous faisons supporter aux victimes une attente inacceptable. »

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