Ce sont jusqu’à 30 000 euros sur dix ans pour les plus anciens, de primes de 13e mois, d’assiduité et d’insalubrité que le groupe – dont le chiffre d’affaires atteignait 6,7 milliards d’euros en 2018 – réclame à ses « petites mains » payées au Smic. Gagnés à chaque fois devant les cours d’appel, les dossiers se fracassent contre le marteau de la Cour de cassation qui annule les jugements, avec un effet rétroactif. Un scandale « judiciaire et politique » déplore Me Vignaud, qui ne lâche pas l’affaire, en cours d’instruction devant la justice européenne, et plaide aujourd’hui à Marseille avec de « nouveaux éléments ».
En 2008, 183 salariés d’Elior défendaient leur droit à des primes que d’autres salariés du même groupe affectés à d’autres sites avaient obtenu par la grève. Le conseil des prud’hommes leur donne raison dès 2012. Le recours à la jurisprudence faisait foi. Mais en 2016 la loi El Khomri et un député du Doubs chamboulent les textes et la règle change. « Non seulement, il devient impossible de faire jouer la comparaison avec un autre salarié, mais en plus l’effet est rétroactif car un alinéa de l’arrêté précise : quelle que soit la date à laquelle les marchés ont été passés », indique Roger Vignaud. En 2018 la Cour de cassation annule les jugements pour « évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective de la jurisprudence ». Du côté des salariés, c’est « une vie qui s’écroule, on les enfonce dans la misère », s’indigne Tony Hautbois, secrétaire de la Fédération nationale CGT Ports et Docks.
Nouveaux éléments
Le 30 novembre 2018, Me Vignaud saisit la Cour de justice de l’Union européenne « pour faire condamner la France pour non-respect de la convention du droit du travail car elle prive des salariés de moyens légaux pour défendre des inégalités de traitement ». En cours d’instruction, le dossier devrait être jugé fin 2022. Mais le combat reprend aujourd’hui devant le conseil des prud’hommes de Marseille. L’avocat a en effet de nouvelles pièces à produire au dossier : « J’ai découvert qu’Elior, comme d’autres grandes sociétés de ménage, fait un distinguo entre deux types de salariés : les employés administratifs et ceux qui travaillent sur les sites. » Pour les premiers des avantages ont été octroyés (13e mois, tickets-restaurants) dont les seconds étaient privés. Le puissant lobby du patronat des sociétés de ménage a trop à perdre sur le fond si cette affaire menée dans le Sud venait à contaminer tout le territoire et table sur la longueur du temps judiciaire pour que de guerre lasse, les salariés rendent les armes ou sur la prescription. « Elior a gagné une bataille, mais pas la guerre » considère , pugnace, l’avocat de la CGT.
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