jeudi 07 juillet 2022

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Tribunal de commerce de Marseille, jugement du 14 septembre 2021

Premium Audiotel / Microsoft Ireland Operations Ltd

clause attributive de compétence – compétence du juge français – rupture brutale des relations commerciales – tribunal compétent

La société PREMIUM AUDIOTEL est une société, ayant pour activité le service de renseignements téléphoniques. Depuis le 28 novembre 2016, la société PREMIUM AUDIOTEL a recours au service publicitaire de Microsoft Advertising. Il s’agit d’un service payant permettant aux annonceurs, tels que la société PREMIUM AUDIOTEL, de promouvoir leur activité grâce au référencement.

Le 24 mars 2021, MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED adressait un courriel à PREMIUM AUDIOTEL lui indiquant une suspension du compte BING no F110H443, au motif que certaines annonces ne seraient « pas en conformité avec les politiques éditoriales de Bing ».

S’estimant victime d’une rupture brutale de leur relation commerciale, la société PREMIUM AUDIOTEL assignait devant la juridiction de céans la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED.

C’est en l’état que l’affaire se présente devant le Tribunal.

LA PROCEDURE

Attendu que par acte en date du 21 avril2021, la SAS PREMIUM AUDIOTEL a fait assigner la MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED devant le Tribunal de Commerce de Marseille au visa de l’article 9-1 du règlement Rome I n°593/2008 du 17 juin 2008 et des articles L. 442-1, L. 442-4 et D. 442-3 du Code de commerce;

Attendu que l’affaire a été appelée pour la première fois à l’audience du 20 mai 2021 à 14 heures 15; qu’elle a été renvoyée au contradictoire des parties à l’audience du 1er juillet 2021 à 14 heures 15, avec fixation d’un numéro pour plaidoiries; que lors de cette audience, l’affaire a été renvoyée au contradictoire des parties au 22 juillet 2021 à 9 heures avec injonction faite à MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED de conclure au fond ;

Attendu qu’à la barre, la SAS PREMIUM AUDIOTEL expose oralement les termes de ses dernières conclusions écrites et demande au tribunal de :
Vu le règlement no1215/2021 dit« Bruxelles Ibis», et notamment son article 25,
Vu l’Accord transitoire du 12 novembre 2019 conclu entre l’Union européenne et le Royaume Uni,
Vu la Convention de la Haye sur les accords d’élection de for du 30 juin 2005,

Vu l’article 9-1 du règlement Rome L Règlement (CE) no 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles,
Vu les articles L. 442-1, L. 442-4-IIL D. 442-3 et l’annexe 4-2 du Code de commerce ;
Vu la jurisprudence précitée,
Vu les pièces versées aux débats,
In limine litis :
• Dire et juger que le Tribunal de commerce de Marseille est compétent pour juger du présent litige,
• Dire et juger que le présent litige est soumis aux dispositions de l’article L. 442-1 du Code de commerce en tant que loi de police de l’ordre juridique français,
Sur le fond :
• Dire et juger que la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED a rompu brutalement sa relation commerciale établie avec PREMIUM AUDIOTEL, et engage sa responsabilité à son égard,
• Dire et juger que la clause des Politiques MICROSOFT ADVERTISING en vertu de laquelle MICROSOFT peut refuser ou supprimer une annonce et désactiver un compte à sa seule discrétion crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,
• Dire et juger que cette même clause constitue une violation du Règlement n°2019/1150 du 20 juin 2019,
• Condamner la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED à payer, à titre provisionnel, à faire valoir sur son préjudice final, à la société PREMIUM AUDIOTEL la somme de 680 000 € au titre de la rupture brutale de relation commerciale établie,
• Dire qu’à défaut de règlement de la condamnation provisionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir, la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED sera redevable d’une astreinte de 10 000 € par jour de retard,
• Dire que le Tribunal se réservera la faculté de liquider de l’astreinte, en cas de besoin,
• Condamner la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED à rétablir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard, l’accès de la société PREMIUM AUDIOTEL au service publicitaire BING, et se réserver la faculté de liquider l’astreinte, en cas de besoin,
• Ordonner la désignation de quelque expert financier que ce soit inscrit sur la liste de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence aux fins de chiffrage du préjudice subi par la société PREMIUM AUDIOTEL du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie par la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED,
• Dire que les frais d’expertise seront à la charge de la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED,
• Surseoir à statuer dans l’attente du rapport d’expertise financière ;
En toutes hypothèses :
• Débouter la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
• Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
• Condamner la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED à payer à la société PREMIUM AUDIOTEL la somme de 50 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
• Condamner la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED aux entiers dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise,
• Ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet https://www.bing.com/?cc=f et ce aux frais de la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED ;

Attendu que MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED expose oralement les termes de ses dernières conclusions écrites et demande au tribunal de :
Vu la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for,
Vu le Règlement UE 2019/1150 du Parlement européen du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d ‘intermédiation en ligne,
Vu l’article 1119 du Code civil,
Vu l’article L. 442-1 II du Code de commerce,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces produites et la jurisprudence citée,
In limine litis :
• Constater que la relation commerciale entre la SAS PREMIUM AUDIOTEL et MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED est exclusivement régie par le Contrat Microsoft Advertising expressément accepté par la SAS PREMIUM AUDIOTEL,
• Constater l’existence d’une clause attributive de juridiction prévue par l’article 13 du Contrat Microsoft Advertising qui désigne les «tribunaux d’Angleterre et du pays de Galles » pour tout « différend en lien avec le présent contrat, ou son application (); compris des différends ou des réclamations non contractuels) ou [l’] utilisation de Microsoft Advertising » ;
• Juger que cette clause attributive de compétence est pleinement valable,
• Juger que cette clause attributive de compétence est applicable aux demandes formulées par la SAS PREMIUM AUDIOTEL dans le présent litige,
Par voie de conséquence,
• Juger que l’exception d’incompétence soulevée par MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED est recevable et bien fondée,
• Se déclarer incompétent pour connaître du présent litige,
• Renvoyer la SAS PREMIUM AUDIOTEL à mieux se pourvoir devant une « High Court of Justice » localisée en Angleterre ou au Pays de Galles,
Sur le fond :
• Constater que les articles L. 442-1 I et L. 442-1 II du Code de commerce ne sont plus qualifiés de loi de police dans un litige privé,
• Constater que l’article 13 du Contrat Microsoft Advertising prévoit que «les lois d’Angleterre et du Pays de Galles régissent le présent contrat, ainsi que toutes obligations non contractuelles découlant dudit contrat, les réclamations concernant sa violation, et votre utilisation de Microsoft Advertising, sans égard aux principes des conflits de loi »,
• Juger que les allégations de déséquilibre significatif et de rupture brutale de la SAS PREMIUM AUDIOTEL doivent être purement et simplement rejetées en application de cette clause de loi applicable,
En toute hypothèse :
• Constater que les droits et obligations de la SAS PREMIUM AUDIOTEL et de MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED ne sont manifestement pas déséquilibrés,
• Constater que la relation entre la SAS PREMIUM AUDIOTEL et MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED a été suspendue, pas rompue,
• Débouter la SAS PREMIUM AUDIOTEL de ses demandes, fins et conclusions, En tout état de cause,
• Condamner la SAS PREMIUM AUDIOTEL à payer à MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED la somme de 50 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;

LES MOYENS DEVELOPPES PAR LES PARTIES

In limine litis – Sur la compétence du Tribunal de Commerce de Marseille

La société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED fait valoir l’application de ses conditions générales de vente : en leur chapitre 13, une attribution de compétence est explicitement prévue, à savoir « Section 13. Droit applicable et lieu de règlement des différends […] Si un différend en lien avec le présent contrat, ou son application (y compris des différends ou des réclamations non contractuels) ou votre utilisation de Microsoft Advertising venait à être entendu par un tribunal, le forum exclusif sera les tribunaux (a) d’Angleterre et du pays de Galles, si votre siège social est dans l ‘EMOA […] ». De sorte qu’il conviendrait donc d’exclure la compétence du Tribunal de Commerce de Marseille.

La société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED rapporte que le contrat qui la lie à Premium Audiotel est exclusivement régit par le contrat Microsoft Advertising, explicitement accepté le 28 novembre 2016. Elle se définit comme une plateforme publicitaire en ligne.

La société PREMIUM AUDIOTEL, mentionne que la preuve d’une explication explicite de ces conditions n’est pas rapportée. Elle rappelle aussi que le Royaume Uni étant sorti de l’Union Européenne depuis le 31 janvier 2020, l’article 25 du règlement n°1215/2012 dit « Bruxelles Ibis » ne s’applique plus et qu’il convient donc désormais d’apprécier l’applicabilité d’une clause de compétence territoriale, non pas au regard du règlement Bruxelles I bis, mais au regard de l’article 6 de la Convention de la Haye du 30 juin 2005 relative aux accords d’élection de for. Il conviendrait donc d’écarter une clause attributive si l’application de celle-ci « serait manifestement contraire à l’ordre public de l’État du tribunal saisi ».

La société PREMIUM AUDIOTEL indique que la Cour de cassation a jugé à de nombreuses reprises que le régime des ruptures brutales de relations commerciales constituait une loi de police impérative de l’ordre juridique français. Il faut donc écarter, sur le fondement de la Convention de la Haye, la clause désignant la compétence d’une juridiction étrangère. A défaut, il faut appliquer les dispositions du Règlement européen n°2019/1150 du 20 juin 2019. Elle est victime d’obligations manifestement disproportionnées.

Sur le fond- Sur la rupture de relations commerciales établies

La société PREMIUM AUDIOTEL rappelle que la relation commerciale entre MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED et PREMIUM AUDIOTEL a débuté en décembre 2016 pour prendre fin en mars 2021. Au cours de cette période, les parties ont entretenu courant d’affaires régulier.

Le 24 avril 2021, sans aucune notification préalable, la société PREMIUM AUDIOTEL a vu son compte Bing brusquement bloqué. Le comportement de MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED à l’égard de PREMIUM AUDIOTEL est donc non seulement caractéristique d’une rupture brutale de relation commerciale, mais également d’une rupture abusive contraire à l’exigence de bonne foi contractuelle. Elle a subi un préjudice qu’il convient de réparer, immédiatement et sous forme de provision, à hauteur de 680 000 €, en attendant la désignation d’un expert, nommé par le Tribunal, afin d’en évaluer le quantum précis.

MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED répond que la relation commerciale n’a pas été rompue. Elle a suspendu le compte de PREMIUM AUDIOTEL conformément à sa politique et réexaminera la situation de PREMIUM AUDIOTEL, une fois des réponses apportées à son courrier électronique. PREMIUM AUDIOTEL n’a jamais répondu à ces interrogations.

Conformément aux dispositions des articles 450 et 726 du Code de Procédure Civile, après avoir indiqué la date de la décision, laquelle est mentionnée sur le répertoire général des affaires, le Tribunal mis l’affaire en délibéré.

DISCUSSION

Sur la compétence du Tribunal de Commerce de Marseille

Sur l’applicabilité des textes européens

Sur l’applicabilité du Règlement Européen dit « Bruxelles I bis» n°1215/2012 du 12 décembre 2012

Attendu que le Royaume-Uni a voté« Brexit », soit sa sortie de l’Union Européenne; qu’en conséquence, il est entré en période transitoire le 31 janvier 2020 à minuit ; qu’en vertu des dispositions de l’accord transitoire conclu entre le Royaux-Uni et l’Union Européenne, celui­ ci n’est sorti de l’application des instruments réglementaires que le 31 décembre 2020; qu’en l’état, le Royaume-Uni n’est donc plus un membre de l’Union Européenne depuis le 1er janvier 2021, et en conséquence, toutes les instances judiciaires intentées après cette date ne sont plus soumises aux dispositions réglementaires de l’Union Européenne;

Attendu que la présente instance a été introduite par un acte du 21 avril 2021, soit postérieurement au 31 décembre 2020 à minuit ; que dans ces conditions, le Règlement dit Bruxelles Ibis n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ne trouve pas à s’appliquer dans le cadre du présent litige ;

Sur l’applicabilité du Règlement Européen n°2019/1150 du 20juin 2019

Attendu que le Règlement Européen n°2019/1150 du 20 juin 2019 est entré en vigueur le 12 juillet 2020, soit au milieu de la période transitoire ; que selon MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED, ce règlement serait toujours applicable au vu de précisions portées sur le site internet du gouvernement britannique selon lesquelles, notamment, « en vertu de l’article 3 de la loi de 2018 sur le retrait de l’Union Européenne (« la loi de retrait 2018 »), la législation de l ‘UE directement en vigueur sera conservée dans le droit britannique à la fin de la période de transition » ;

Attendu que ni le contenu de ce site internet ni la loi étrangère traduite en langue française citée par MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED ne sont versées au débat ; qu’en conséquence, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce Règlement Européen n°2019/1150 ferait exception à la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne et de l’ensemble de ses instruments réglementaires à compter du 1er janvier 2021 ;

Attendu que dans ces conditions, il échet donc d’écarter l’application du Règlement Européen n°2019/1150 au vu d’un acte introductif d’instance postérieur au 1er janvier 2021, et d’analyser les conditions générales de vente de MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED, sous l’angle de l’inopposabilité de certaines clauses des conditions générales d’utilisation ;

Sur l’applicabilité des conditions générales de MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED

Attendu qu’au vu de l’inapplicabilité des instruments réglementaires de l’Union Européenne au présent litige, il convient de faire application de la Convention de La Haye du 30 juin 2005, en vigueur entre les états membres de l’Union Européenne, le Mexique, le Monténégro, Singapour et le Royaume-Uni, sur les accords d’élection de for, c’est-à-dire, aux accords conclus entre deux ou plusieurs parties désignant un ou plusieurs tribunaux d’un État contractant à l’exclusion de la compétence de tout autre tribunal;

Attendu que l’article 6 de la Convention de La Haye en date du 30 juin 2005 dispose que
« Tout tribunal d’un État contractant autre que celui du tribunal élu sursoit à statuer ou se dessaisit lorsqu’il est saisi d’un litige auquel un accord exclusif d’élection de for s’applique, sauf si :
a) l’accord est nul en vertu du droit de l’État du tribunal élu,
b) l’une des parties n’avait pas la capacité de conclure l’accord en vertu du droit de l’État du tribunal saisi,
c) donner effet à l’accord aboutirait à une injustice manifeste ou serait manifestement contraire à l’ordre public de l’Etat du tribunal saisi,
d) pour des motifs exceptionnels hors du contrôle des parties, l’accord ne peut raisonnablement être mis en œuvre,
Ou
e) le tribunal élu a décidé de ne pas connaître du litige » ;

Attendu que, dès lors, il convient d’analyser la clause de compétence au regard de ces dispositions ;

Attendu qu’en droit international privé, l’applicabilité de dispositions impératives constitutives de lois de police issues d’un droit national, au fond d’un litige, ne doit pas entrer en considération pour déterminer la juridiction compétente ; qu’il est constant que seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en œuvre pour déterminer la juridiction compétente ; que des dispositions impératives constitutives de lois de police, seraient-elles applicables au fond du litige, ne sont pas des règles de conflit de juridiction ; qu’elles ne sauraient donc être retenues pour déterminer la compétence d’une juridiction ;

Attendu que donc, sans se prononcer sur le caractère de loi de police du droit français de la rupture brutale des relations commerciales établies, il n’est pas contesté que l’article L. 442-1 du Code de commerce (ancien article L. 442-6 I 5° du même code) a le caractère d’ordre public ;

Attendu qu’en application de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’article 1171 du Code civil permet désormais au professionnel de se prévaloir du caractère abusif d’une clause, si celle-ci est stipulée dans un contrat d’adhésion et qu’elle ne peut être négociée librement par une partie : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation»;

Attendu que MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED a plaidé à la barre que PREMIUM AUDIOTEL avait accepté ses conditions générales d’utilisation en cochant une case lors de la souscription de son contrat ; que dès lors, la clause attributive de compétence stipulée dans les conditions générales d’un site d’offre de publicité en ligne, fourni par une filiale de Microsoft, était non négociable ; que ces caractères suffisent à qualifier le contrat dont il s’agit d’un contrat d’adhésion; que la clause attributive de compétence non négociable ainsi souscrite crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au vu de la distance géographique favorisant indubitablement Microsoft, qui fait partie des « GAFAM »soit un des géants du Web, face à une entreprise de l’envergure de PREMIUM AUDIOTEL au capital de 100 000 €, pour qui un litige à suivre outre-Manche impliquerait des coûts de procédure démesurés pour demander le respect de droits protégés par des dispositions d’ordre public selon le droit français ;

Attendu qu’à ce titre, il échet de ne pas se dessaisir ni de sursoir au vu des exceptions prévues par l’article précité ;

Sur l’applicabilité des dispositions de droit français

Attendu qu’au vu de ce qui précède, la compétence territoriale revient aux juridictions françaises déterminée les articles 42 à 48 du Code de procédure civile; qu’ainsi, l’article 46 de ce code prévoit que « le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
-en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service [ … ]» ;

Attendu qu’en l’espèce, la prestation doit être considérée comme réalisée au siège social de PREMIUM AUDIOTEL qui a fait appel à MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED pour le référencement de son site internet, géré de cet emplacement géographique, soit Aix-en-Provence; qu’en matière de rupture brutale des relations commerciales, le Tribunal de Commerce de Marseille a une compétence exclusive dans ce ressort territorial, selon l’article D. 442-3 du Code de commerce ;

Attendu qu’en vertu de tout ce qui précède, il y a lieu pour le Tribunal de Commerce de Marseille de se déclarer territorialement compétent ;

Sur la rupture des relations commerciales établies

Attendu que l’article L. 442-1-II définit que: « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insatisfaisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure » ;

Attendu que pour démontrer la rupture brutale de relations commerciales établies, il est nécessaire de réunir les éléments suivants :
>L’existence de relations commerciales établies entre les contractants, qu’ils soient producteurs, commerçants, industriels ou immatriculés au répertoire des métiers,
>L’existence d’une rupture de ces relations commerciales établies,
>La brutalité de la rupture c’est à dire l’absence de préavis ou un préavis insuffisant compte tenu de la durée de la relation et en références aux usages du commerce,
>L’absence d’une raison légitime telle que la force majeure ou la non-exécution par le contractant de ses obligations ;

Sur l’existence de relations commerciales établies

Attendu qu’une relation commerciale établie se définit de manière constante comme « une relation commerciale établies ‘entend d’échanges commerciaux conclus directement entre les parties » ; que pour être établie, la relation doit être non discontinue et non précaire ; que la durée de la relation prend en compte le courant d’affaires entre les parties indépendamment des contrats conclus ;

Attendu qu’à la barre, PREMIUM AUDIOTEL indique qu’en l’espèce la relation commerciale a débuté le 28 novembre 2016 et l’accès aux services a été suspendu le 24 mars 2021 ; que pour justifier la durée des relations commerciales établies, PREMIUM AUDIOTEL fournit un relevé de factures ; que cette antériorité n’est pas contredite par MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED ;

Attendu qu’il y a lieu de retenir une relation commerciale établie ancienne de 52 mois ;

Sur l’existence d’une rupture de ces relations commerciales établies

Attendu que dans un courrier électronique du 24 mars 2021, MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED suspendait le compte de PREMIUM AUDIOTEL car les annonces n’étaient pas conformes aux politiques de Microsoft Advertising ;

Attendu que PREMIUM AUDIOTEL assimile cette suspension à une rupture des relations commerciales établies en s’appuyant sur un arrêt rendu le 16 novembre 2011 par la Cour d’Appel de Paris ;

Attendu qu’à la lecture des politiques de Microsoft Advertising, il apparaît que Microsoft se réserve le droit, à tout moment et à sa seule discrétion, de refuser ou de supprimer une annonce : « Microsoft peut fermer votre ou vos comptes ou vous interdire d’utiliser Microsoft Advertising si nous avons des raisons de croire que vous allez à l’encontre de nos conditions ou de nos politiques de manière délibérée ou répétitive. Vous ne pouvez pas vous connecter à un compte fermé ni accéder aux informations ou aux données qui s y rapportent. À notre seule discrétion, nous pouvons décider de réactiver votre compte si vous résolvez la violation ayant mené à sa fermeture » ;

Attendu que dans son courrier électronique du 24 mars 2021, MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED annonçait à PREMIUM AUDIOTEL la suspension de son compte, précisant la possibilité d’un rétablissement si les modifications nécessaires étaient adoptées ;

Attendu qu’il apparaît que PREMIUM AUDIOTEL n’a pas daigné apporter les modifications demandées, ni même répondre et discuter avec MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED des faits évoqués, initiant immédiatement une procédure devant le Tribunal de Commerce de Marseille ;

Attendu, qu’en ne répondant pas au courrier électronique adressé par MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED, la société PREMIUM AUDIOTEL ne peut invoquer la rupture des relations commerciales établies du seul fait de MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED, rien ne permettant de préjuger de la suppression définitive du compte une fois des réponses apportées aux non-conformités reprochées par Microsoft ;

Attendu que dès lors, les dispositions de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris (CA Paris, 16 novembre 2011, n°11/12595) invoqué ne sauraient être transposées au cas d’espèce ;

Attendu que la clause des politiques de Microsoft Advertising en vertu de laquelle elle peut refuser ou supprimer une annonce et désactiver un compte à sa seule discrétion ne créé pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans la mesure ou le compte peut être rétabli à tout moment; qu’il échet de le constater ;

Attendu que la Tribunal constatera l’absence de rupture des relations commerciales en l’état, celle-ci étant actuellement simplement suspendues; que dans ces conditions, il échet de débouter PREMIUM AUDIOTEL de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions au fond ;

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Attendu que PREMIUM AUDIOTEL succombant principalement à l’instance, elle en supportera les entiers dépens ;

Sur l’application de l’article 700 du Code de procédure civile

Attendu que l’article 700 du Code de procédure civile dispose que « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les
dépens [ …] » ;

Attendu qu’en l’espèce, la partie demanderesse succombe principalement mais partiellement à l’instance; que MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED a dû engager des frais irrépétibles pour assurer sa défense et il ne serait pas équitable de lui en laisser intégralement la charge;

Attendu qu’en conséquence, il échet de condamner PREMIUM AUDIOTEL à payer la somme de 5 000 € à MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED en vertu de la disposition précitée ;

Attendu qu’il y a lieu de rejeter tout surplus des demandes, fins et conclusions comme non fondées et non justifiées ;

DECISION

Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Advenant l’audience de ce jour,

Se déclare territorialement compétent pour connaître du présent litige ;

Dit que la clause des Politiques Microsoft Advertising en vertu de laquelle MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED peut refuser ou supprimer une annonce et désactiver un compte à sa seule discrétion n’est pas constitutive de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Constate l’absence de rupture des relations commerciales en l’état entre la SAS PREMIUM AUDIOTEL et MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED, celle-ci étant actuellement simplement suspendues ;

Déboute la SAS PREMIUM AUDIOTEL de toutes ses demandes, fins et conclusions au fond ;

Vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SAS PREMIUM AUDIOTEL à payer la somme de 5 000 € (cinq mille Euro) à
MICROSOFT IRELAND OPERATIONS LIMITED ;

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile,

Condamne la SAS PREMIUM AUDIOTEL aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du Code de Procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 70,55 € (soixante-dix Euro et cinquante-cinq Cents T.T.C.) ;

Rejette tout surplus des demandes, fins et conclusions comme non fondées et non justifiées ;

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Commerce de Marseille, le 14 septembre 2021.

Le Tribunal : M. Lesbros (président), M.Silhol, M Castella, Mme Tourret-Bergant et M. Vincent (juges), Amandine Herbich (greffier audiencier)

Avocats : Me Philippe Bruzzo, Me Cédric Bubucq, Me Olivier Tari, Me Renaud Christol

Source : Legalis.net

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* Nous portons l’attention de nos lecteurs sur les possibilités d’homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.

Source Google News – Cliquez pour lire l’article original