La mesure a marqué le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Elle était de nouveau sous les feux des projecteurs à l’aube de son second mandat, avec une décision très attendue de la Cour de cassation mercredi 11 mai. Le barème d’indemnisation aux prud’hommes en cas de licenciement abusif issu des ordonnances Travail du 22 septembre 2017 vient d’être validé par la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire.
Un enjeu pour les salariés avec peu d’ancienneté
Ce barème est jugé sécurisant par les employeurs, en particulier les PME, mais vécu comme injuste par les syndicats de salariés et leurs conseils. Le plafond instauré varie de un à vingt mois de salaire brut, uniquement en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise – le plafond est plus faible si l’entreprise a moins de 11 salariés. Pour ses opposants, le barème ne permet pas de prendre en compte la situation personnelle de chaque justiciable en lui apportant une indemnisation à la hauteur de son préjudice. Par ailleurs, il ne serait pas conforme à des conventions internationales signées par la France.
VOS INDICES
source
Selon Déborah Fallik, avocate associée chez Redlink et spécialisée en droit social, « le barème modifiait surtout la donne sur les salariés avec peu d’ancienneté. Auparavant, avec seulement deux ans d’ancienneté, le juge allouait une indemnité minime de six mois de salaire. Aujourd’hui, avec deux ans d’ancienneté, le barème ne prévoit qu’une indemnité comprise entre 3 et 3,5 mois, et entre 0,5 et 3,5 pour les entreprises de moins de 11 salariés ». « Pour ceux qui disposent d’une ancienneté de 5 ans et plus, le maximum du barème ne s’écarte pas beaucoup de la pratique antérieure » ajoute-t-elle. Tout l’enjeu consistait aussi à savoir si ce barème permettait « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » comme le stipule l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail.
L’appréciation au cas par cas rejetée
La Cour de cassation s’est prononcée mercredi 11 mai sur deux affaires. L’une provenant de la cour d’appel de Nancy, qui a appliqué le barème. Le demandeur a été rejeté de la demande de déplafonnement de son indemnisation. La seconde affaire, issue de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, s’est à l’inverse écartée du barème en analysant la situation du salarié licencié « in concreto », c’est-à-dire en fonction de sa situation particulière. La Cour a rendu dans ce cas un arrêt de cassation.
La juridiction estime que le barème est conforme aux conventions internationales, et que les juges français ne peuvent s’écarter du barème même après une appréciation factuelle au cas par cas. « Pour cela, elle s’appuie sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dit que la loi doit être la même pour tous, qu’elle protège ou qu’elle punisse », décrypte Déborah Fallik. En effet, si certaines juridictions devaient juger en fonction des situations individuelles, au cas par cas et d’autres pas, cela pourrait créer des différences de traitement entre les justiciables, et conduire à l’insécurité de l’employeur.
Un deuxième avis et un barème déjà courant
Ce n’est pas la première fois que le sujet était traité par la plus haute juridiction. Le 17 juillet 2019, la Cour de cassation avait déjà délivré un avis favorable au barème. Les juges avaient estimé que dans la formulation de l’OIT, « le terme “adéquat” devait être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation ». Ce qui était possible dans le barème qui comportait des mini et des maxi.
Selon le rapport d’évaluation de France Stratégie sur les ordonnances travail paru en septembre 2021, le barème était globalement appliqué : « Dans l’échantillon de décisions de cours d’appel étudié pour le comité, le montant des indemnités versées est compris entre le plancher et le plafond du barème dans 90% des cas pour les licenciements postérieurs à l’application du barème, alors que c’était le cas pour 44% avant la réforme. » Au-delà des batailles juridiques, cela montre que globalement le barème est largement déjà entré dans les moeurs.
Source Google News – Cliquez pour lire l’article original