Ce mardi, les représentants syndicaux du groupe La Provence sont venus devant le tribunal de commerce de Marseille pour réclamer l’ouverture des deux offres de rachat des parts de Bernard Tapie.

Des représentants des salariés du groupe La Provence ont réclamé mardi l’ouverture des premières offres de rachat des parts du groupe Bernard Tapie (GBT) devant le tribunal de commerce de Marseille qui a mis son jugement en délibéré au 14 février.

C’est l’avenir de six entreprises qui se jouent sur les bancs de la justice, La Provence, Corse-Matin, Sud Presse distribution, Corse distribution, Corse presse et Eurosud Publicité.

Suite au décès de son patron Bernard Tapie, le quotidien régional devait trouver un repreneur. Pour racheter les 89% des parts, les candidats au rachat avaient jusqu’au 30 novembre pour se faire connaître.

Sur quatre candidats potentiels, deux d’entre eux ont finalement déposé une offre à Me Xavier Brouard, le liquidateur judiciaire du groupe détenu par Bernard Tapie jusqu’à son décès.

D’un côté, le fondateur de Free, Xavier Niel. De l’autre, le géant marseillais du transport maritime, la CMA-CGM.  

Le premier apparaissait comme le repreneur naturel du titre et part favori : sa holding NJJ détient déjà 11% du capital de ce journal tandis que Bernard Tapie détenait les 89% restants. 

Ce qu’avait rappelé le syndicat national des journalistes dans un communiqué du 21 octobre : « Il faut savoir que déjà présent dans la Provence, NJJ a clairement une longueur d’avance, d’autant qu’un pacte d’actionnaires passé avec GBT lui accorde une préférence. » 

Xavier Niel a également racheté le groupe Nice-Matin en 2019. Il n’hésite pas à parler d’une « marque puissante inscrite dans notre patrimoine régional et national » pour décrire La Provence.  

Le second a presque créé la surprise. Le groupe CMA-CGM, troisième armateur mondial et présidé par Rodolphe Saadé, emploie 110.000 personnes à travers le monde.

Il avait déjà tenté de prendre pied à La Provence en 2019, sans succès. Très attaché au quotidien marseillais, Rodolphe Saadé explique vouloir « écrire une nouvelle page de l’histoire » du quotidien régional.

Dans un courrier adressé aux représentants du personnel, le président de CMA-CGM s’engage à conserver l’indépendance de la rédaction. « Il n’y aura pas de licenciement économique« , ajoute celui qui veut aussi donner une nouvelle dimension numérique au quotidien.  

Le 11 novembre, le tribunal de commerce de Marseille a suspendu le pacte d’actionnaires qui offrait un droit de veto à Xavier Niel, en tant qu’actionnaire minoritaire, sur tout candidat au rachat des 89% de GBT (Groupe Bernard Tapie).

La clause d’agrément « fait obstacle au processus de réalisation des actifs de la liquidation judiciaire du Groupe Bernard Tapie (..) et constitue un trouble manifestement illicite« , écrivait le juge du tribunal de commerce de Marseille dans son ordonnance de référé.

Une décision dont a fait appel Xavier Niel.

Les offres déposées le 30 novembre dernier, par ces deux candidats n’ont pas été étudiées alors que le liquidateur lance une nouvelle procédure d’appels d’offres.

Le 1er février, un deuxième appel d’offres a été lancé par les coliquidateurs judiciaires, les candidats pouvant déposer leurs dossiers jusqu’au 14 février à midi pour une ouverture le lendemain.

« Nous ce que l’on veut c’est que cela aille vit, que ce soit concurrentiel, avec un volet social, et pouvoir donner notre avis sur le futur repreneur. on a l’impression que ce dossier est parti pour des mois de procédures qui se télescopent et que les salariés sont complétement tenus hors-jeu » , explique Sophie Manelli, du syndicat national des journalistes.

« Nous on tenait à témoigner à la fois de nos inquiétudes, de notre colère et de notre indignation. On a l’impression que les 850 salariés sont pris pour des imbéciles dans une affaire où on est pris au piège et otages de petits arrangements entre amis ce qui est parfaitement scandaleux », explique Julie Sanguinetti FO, Corse-Matin.

« On nous impose cette nouvelle procédure alors que personne n’a jamais vu les
offres des deux candidats« , constate Catherine Swarcz, avocate des requérants,
évoquant « un trouble manifestement illicite » pour les représentants des salariés
qui ont le droit d’être informés et de donner leur avis sur la procédure en cours.

Le tribunal de commerce de Marseille était saisi en référé par trois des six CSE (comité social et économique) du groupe La Provence, avec le soutien du Syndicat des journalistes SNJ de La Provence et FO et CGT de Corse Matin. Ils lui ont  demandé d’ordonner le transfert à Marseille des premières offres déposées à Bobigny et leur ouverture. Mais à l’audience, l’avocate de la société « Avenir Développement », contrôlée par Xavier Niel, a expliqué que cette demande des CSE « n’avait plus lieu d’être », son client ayant déjà récupéré l’enveloppe contenant son offre au tribunal de commerce de Bobigny.

Les avocats les deux liquidateurs judiciaires et du quotidien La Provence ont de leur côté contesté la recevabilité de la procédure engagée par les CSE à Marseille, considérant notamment que seul le tribunal de commerce de Bobigny était compétent sur la question des offres de rachat. Dans sa plaidoirie, Me Swarcz a justifié l’urgence de sa saisine par « les risques sociaux, psychologiques et les tensions palpables » au sein du quotidien liés à la procédure de reprise en cours, en regrettant que l’intérêt des salariés passe au second plan.

La diffusion de La Provence, un des quotidiens phares du sud-est de la France, affiche une baisse régulière ces dernières années, passant d’environ 100.0000 exemplaires quotidiens en 2017 à environ 75.000 aujourd’hui.

Le groupe La Provence détient également le quotidien régional Corse-Matin.

Les sociétés de Bernard Tapie, l’homme d’affaires décédé en octobre, sont en liquidation judiciaire depuis 2020 et ont été condamnées à payer environ 400 millions aux structures gérant le passif du Crédit Lyonnais.

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