C’est une affaire comme on en voit peu dans les conseils de prud’hommes de Marseille. Ce lundi, le géant de la finance BNP Paribas était opposé à une ancienne salariée marseillaise de l’entreprise pour des faits à dormir debout où se mêlent discriminations, jugement de valeurs et attentat de Trèbes. Pour Maria Z.*, la salariée concernée, pas de doute : « C’est du racisme pur et dur. »
Concrètement, son avocat, Steve Doudet, demande au conseil « de juger que la salariée a été victime de discrimination ». Dans le jargon juridique, elle et son avocat réclament la résiliation judiciaire de son contrat, c’est-à-dire quand la salariée reproche à son patron des manquements graves. De même que la contestation de son licenciement, intervenu en juillet 2020. « Elle s’est retrouvée malade du fait de l’attitude de l’employeur », tonne l’avocat dans sa plaidoirie. Selon lui et la salariée, tout part « d’une collègue de travail de Maria qui va trouver le directeur de l’établissement et fait part d’un mal-être car, un mois plus tôt, elle aurait entendu une conversation en langue arabe par trois salariés dont Maria, le jour des attentats [de Trèbes en mars 2018, Ndlr] ». Une situation saugrenue. « À partir de là, l’employeur considère qu’il y a une faute commise par Maria, qui est convoquée et recadrée par son supérieur. » S’ensuit un « engrenage » qui mène Maria jusqu’au licenciement pour inaptitude. « Toute la dégradation de l’état de santé est liée à ces évènements », explique l’avocat. Maria assure n’avoir jamais tenu cette conversation, et même si c’était le cas, difficile de voir où le problème.
De l’autre côté, l’avocat de la BNP Paribas a tenu la défense typique d’entreprises du CAC 40. Il dénonce d’abord des « accusations particulièrement graves sans aucun fondement factuel », prenant pour exemple le fait qu’il « n’y a pas eu de sanctions disciplinaires pour la salariée et qu’elle n’a pas fait appel à un référent discrimination de l’entreprise ».
Pas de soucis pour BNP
L’entretien entre Maria et son supérieur hiérarchique suite à la « gêne » serait un simple « échange informel ». Pourtant, il reconnaît, à demi-mot, le fond du problème : « Des collaborateurs parlant en français ont cessé d’échanger avec une salariée et ont parlé dans une langue étrangère, elle s’est sentie pas à sa place. » Mais sa défense reste solide puisqu’il s’appuie sur une précédente décision du conseil de prud’hommes sur la même affaire, un jugement de septembre 2019, donnant raison à l’entreprise, mais dont les délégués du personnel ont fait appel. Enfin, l’avocat de la BNP oublie d’évoquer un élément d’importance : un courrier de la direction des ressources humaines adressé à Maria, que nous avons pu consulter. Courrier qui est sans équivoque : « Vous ne pouvez ignorer qu’une conversation en langue étrangère sur le lieu de travail n’est pas autorisée. » Pire, la direction juge qu’un « tel comportement est susceptible de générer un malaise ». Steve Doudet répond sans détour et met au clair la position de la BNP : « C’est la langue arabe qui pose problème, si cela avait été en anglais nul doute que cela n’en aurait pas posé pour BNP. » Si l’affaire est assurément moralement condamnable, le conseil de prud’hommes jugera le 26 septembre si elle l’est judiciairement.
*Nous avons changé les prénoms et noms
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