Mis en ligne le 1/04/2022 à 15:49

La société exploitant la grande surface d’Incarville devra notamment payer une amende de 150 000 euros, en plus du redressement de l’Ursaaf

La société exploitant la grande surface d’Incarville devra notamment payer une amende de 150 000 euros, en plus du redressement de l’Ursaaf – (Photo d’archives Guillaume HAMONIC/PN)

Une amende de 10 000 € pour Jérôme Martin mais pas d’inscription au casier judiciaire ; 150 000 € d’amende et 2 300 € de frais d’avocats des parties civiles pour Louviers distribution, la société exploitante : le tribunal judiciaire d’Évreux a frappé au portefeuille, jeudi 31 mars 2022, dans le cadre d’une affaire de travail dissimulé à l’hypermarché E.Leclerc d’Incarville (notre édition de jeudi). Les juges ébroïciens ne sont pas allés jusqu’à infliger une peine de prison au président de la société, comme l’avait requise le parquet. Pour le substitut du procureur Antoine Adam, il y avait de quoi réclamer un an de prison avec sursis au chef d’entreprise de 51 ans, pris « dans une quête de productivité (qui) a amené à négliger les droits des salariés ». Un point de vue diamétralement opposé à celui de Me Emmanuel Daoud qui a longuement plaidé la relaxe de ses clients.

Préjudice revu à la baisse

Les deux prévenus ont été reconnus coupables dans un dossier riche en chiffres. Entre mars 2014 et septembre 2018, le magasin E.Leclerc a bien contrevenu au droit en refusant de payer et/ou de majorer les heures supplémentaires effectuées par ses employés et par ses agents de maîtrise. La politique de la maison était de favoriser la récupération des heures, non de les monétiser. L’Ursaaf, qui avait levé le lièvre à l’occasion d’un contrôle en 2018, avait d’abord estimé le préjudice, en termes de cotisations sociales non perçues notamment, à 4 M €, avant de revoir sa copie et de descendre la facture à 900 000 €. Cette somme fait, par ailleurs, l’objet d’un contentieux. Jérôme Martin l’a versée sous forme de consignation mais « j’ai contesté ce redressement », a expliqué le quinquagénaire à la barre. Le pôle social du tribunal judiciaire devra trancher ultérieurement.

« L’entreprise fonctionnait comme ça depuis des années »

Le dirigeant, qui a racheté la grande surface en 2011, a dû s’expliquer sur l’usage fait des heures supplémentaires et sur un contrat d’annualisation du temps de travail fantôme. « On n’a pas retrouvé ce document. J’étais persuadé qu’il existait, s’est défendu l’entrepreneur, plusieurs fois mis en difficulté par Me Jessy Lévy, avocate des parties civiles. L’entreprise fonctionnait comme ça depuis des années, même avant que je la rachète. Je n’ai jamais eu de doutes que, quand un salarié faisait une heure supplémentaire, il récupérait une heure. Cette organisation convenait à tout le monde. »

Mais elle devait également être limite-limite puisqu’après le contrôle de l’Ursaaf, la direction de l’hypermarché a intégré la majoration des heures supplémentaires dans sa pointeuse et a conclu un nouvel accord sur l’annualisation du temps de travail avec ses 350 salariés. «  Et à l’unanimité, a souligné Me Emmanuel Daoud pour la défense. Il n’y a pas de coercition, personne de soumis ni de contraint. C’est un système transparent. » Un système éplinglé par le tribunal ébroïcien qui s’est aussi interrogé sur le versement de primes de gratification (ou « primes de gueule »). Celles-ci ont-elles été financées par les économies faites sur le dos de l’Ursaaf ? Ce n’était pas le sujet, mais la question a plané au-dessus des trois heures de débats.

Les différentes parties ont dix jours pour faire appel de la décision du tribunal judiciaire d’Évreux.

Par Vincent LE GALLOIS

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