Une étude de deux universitaires montre que le dédommagement moyen est passé de 7,9 mois de salaires à 6,6.

Les salariés abusivement licenciés par leurs entreprises sont moins indemnisés par les conseils des prud’hommes depuis la mise en application des ordonnances Macron en 2017 dans le cadre de la réforme du code du Travail.

Rappelons que cette réforme a profondément modifié le système de dédommagements pour les salariés qui s’estiment abusivement licenciés (“sans cause réelle et sérieuse”).

Alors qu’ils étaient fixés librement par les juges, un barème fixe désormais à l’avance ces sommes afin de lever les incertitudes pour une entreprise afin de lui permettre de licencier plus rapidement et in fine de recruter plus facilement.

Les salariés de grandes entreprises les plus touchés

Mais comme on pouvait s’en douter, cette réforme se fait clairement au détriment du salarié.

Une étude* réalisée par Raphaël Dalmasso, maître de conférence en droit à l’université de Lorraine, et Camille Signoretto, maîtresse de conférence en économie à l’université de Paris, et publiée par la revue Droit Social, montre en effet que le dédommagement moyen pour un licenciement jugé abusif est passé de 7,9 mois de salaires à 6,6.

Si l’on considère la médiane, 50% des plaignants percevaient avant la réforme une somme inférieure à 6,5 mois de salaire (et 50% plus). Désormais, cette médiane est de 6 mois.

Ces chiffres occultent de fortes disparités, relève l’étude. Ainsi, les salariés d’entreprises de plus de 11 personnes touchent en moyenne 7,6 mois d’indemnités (contre 9,1 avant la réforme). Ce sont ceux qui perdent le plus. Les employés abusivement licenciés d’entreprises plus petites ont vu la moyenne des dommages passer de 5 à 4,2 mois.

Le manque d’ancienneté est également désormais plus pénalisant. Un plaignant qui a passé entre 2 et 5 ans dans leur entreprise perd en moyenne plus de trois mois de dommages et intérêts (3,1).

Rappelons également que si le barème prévoit une indemnité minimale de 0,6 mois contre 0,2 mois, elle plafonne drastiquement le dédommagement maximal qui tombe à 20 mois de salaires contre 37,8 auparavant.

La faible ancienneté plus pénalisante

Pour Etienne Colas (CFDT), le président du conseil de prud’hommes de Paris, “dans neuf cas sur 10”, les barèmes sont respectés, en l’occurrence lorsque les anciennetés sont importantes. En revanche, sur les petites anciennetés, “on ne rend pas une bonne justice si on reste dans les barèmes”. Or, il y a un “risque de violence sociale quand la justice n’est pas dite. Regardez les gilets jaunes”.

Intérrogée par BFM Business, Marion Kahn-Guerra, avocate spécialisée en droit du Travail au sein du cabinet Desfils confirme que “pour les salariés ayant de deux ans d’ancienneté et qui sont salariés de sociétés de plus de 11 salariés, il y a clairement une baisse du niveau d’indemnisation depuis l’introduction du barème Macron puisqu’auparavant, le moment des dommages et intérêts, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, était de six mois de salaire au minimum”.

“En revanche, pour les anciennetés plus élevées (à partir de 7 à 8 d’ancienneté) le barème Macron me parait bien refléter la réalité des indemnisations qui étaient accordées par les Conseils de Prud’hommes avant la réforme”, souligne l’avocate.

Et de manière générale en effet, pour les salariés ayant une faible ancienneté, on sent que les employeurs sont plus sereins dans leur prise de décision puisque le barème Macron leur permet d’évaluer leur risque et de le provisionner. La décision de licencier est souvent prise en faisant une balance entre le coût immédiat du licenciement et le coût à long terme engendré par le fait de garder dans ses effectifs une personne qui n’est pas adaptée à son poste ou qui perturbe le bon fonctionnement d’une équipe”, poursuit-elle.

Contestations et contournement

Du coup, ces nouvelles règles découragent les salariés. Un an après la réforme, en 2018, le nombre de recours était tombé à 120.000, soit 5,5% de moins qu’en 2017 et deux fois moins qu’il y a 20 ans, selon le service statistiques du ministère du Travail (Dares) et France Stratégie, une instance rattachée à Matignon.

Elles favorisent également un certain effet pervers. Pour échapper aux plafonds, les avocats des salariés cherchent à tout prix à invoquer le harcèlement.

“Les relations prennent souvent un tour plus contentieux, les conseils des salariés cherchant tous les moyens pour contourner l’obstacle du barème Macron en plaidant la nullité de la rupture, car fondée sur des prétendus faits de harcèlement de discrimination ou sur une violation des libertés fondamentales du salarié, ou sur des manquements liés à la durée du travail” confirme Marion Kahn.

Si le nouveau barème est entré en application, de nombreux recours ont été déposés et certaines cours d’appel ont validé sa non-application par certains conseils de prud’hommes. La cour de Cassation doit rendre une décision définitive sur le fonds le 31 mars prochain.

*: Pour établir leurs moyennes, les deux universitaires ont constitué deux échantillons: l’un contient 192 décisions prononcées en vertu des règles antérieures aux ordonnances Macron, l’autre s’appuie sur 94 décisions résultantes du nouveau dispositif.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business

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