C’est à un véritable tollé auquel l’accusation a dû faire face à la fin du procès qui a mis face à face des acheteurs de la communauté pakistanaise, plaidant la bonne foi, et la procureure, les accusant d’avoir falsifié des documents pour obtenir des prêts bancaires.
Trente-huit maisons auraient été ainsi acquises illégalement, pour un montant de plus de six millions d’euros (lire nos précédentes éditions).
Contre les acheteurs, la magistrate a réclamé des peines de prison, avec ou sans sursis suivant les cas, de lourdes amendes et, surtout, la confiscation par la justice des biens mal acquis, selon elle.
Des réquisitions qui ont fait bondir une grande partie des avocats de la défense. « D’autres décisions de justice, dans des cas similaires, ont estimé que les acheteurs étaient des victimes, pas des coupables. » La majorité des acquéreurs ont assuré que le courtier auquel ils avaient fait appel aurait fait des faux à leur insu.
« A-t-il été berné où était-il de mèche ? »
En chœur, mis à part quelques exceptions lorsque leurs clients avaient avoué être au courant que leur dossier était falsifié, les défenseurs demandent la relaxe de leurs clients. C’est également le cas pour l’ancien directeur de l’agence bancaire de Vernouillet, mis en cause pour complicité d’escroquerie.
Tout au long de l’enquête et du procès, l’homme de 65 ans a toujours nié être au courant que Tarik, le courtier qui lui amenait des clients, avait réalisé des faux documents pour rendre leur demande de crédit immobilier plus présentable.
« A-t-il été berné où était-il de mèche ? » Cette question, que pose Me Élise Meine, l’une de ses deux avocates, résume tout l’enjeu du dossier. Pour elle, la première hypothèse ne fait aucun doute.
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L’avocate rappelle que « plus de la moitié des dossiers ont été validés par sa direction, qui n’a pas détecté les faux documents ». « Toutes les pièces sont numérisées et accessibles à la directrice du groupe et au service crédit », ajoute Me Meine.
« La justice peut-elle être humaine ? »
« Même le service de caution, qui examine attentivement les mêmes pièces que celles étudiées par le directeur d’agence, n’a rien vu ! »
L’avocate insiste sur la qualité des faux documents falsifiés par Tarik :
« Les banquiers ne sont pas des spécialistes des faux en écriture. Et il y a eu toute une chaîne de décision qui n’a rien détecté ! »
De son côté, Me Caroline Vabre, l’autre avocate de l’ancien directeur d’agence, décrit « un banquier humaniste, pour qui ce procès est le procès de la honte ! »
Me Vabre lit les témoignages des anciens collègues du cadre bancaire, que tous décrivent comme un homme « très professionnel et travailleur, un fou de travail, qui fait des journées de dingue ».
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Au passage, l’avocate lance un tacle marqué envers la banque, qui réclame plus de six millions d’euros de préjudices. « Ce sont des demandes malhonnêtes. »
Les deux avocates demandent la relaxe de l’ancien directeur d’agence. « C’est sa vie que vous jugez aujourd’hui, alors qu’il n’y a aucun élément matériel dans le dossier qui vous permet de le condamner. La justice peut-elle être humaine ? » s’interroge Me Vabre.
Enfin, pour ce qui concerne Tarik, le courtier occulte qui a reconnu avoir fabriqué les faux documents permettant l’octroi des crédits, son avocat reconnaît : « C’est un escroc tel qu’on le voit dans les films : beau parleur et sûr de lui. »
En revanche, il demande aux juges d’aller en deçà des réquisitions de la procureure (prison ferme). « Ce serait sa mort sociale », assure-t-il.
Le tribunal rendra son délibéré le 29 juillet.
Jacques Joannopoulos
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