Conditions de travail intenables, souffrance, perte de sens… Le 23 novembre dernier, dans le journal Le Monde, une retentissante tribune, signée depuis par les deux-tiers des 9 000 magistrats français, dénonçait l’état de la justice en France. La crise n’est pas nouvelle, mais ne cesse d’aller crescendo chaque année. Juge d’application des peines au siège du tribunal judiciaire de Brest, mais aussi déléguée de section de l’Union syndicale des magistrats, Audrey Berrier sort de sa réserve pour se faire le relais de l’épuisement général de la communauté judiciaire de Brest.
Pénurie d’effectifs à tous les étages
À l’écouter, les exemples sont légion. « Cette année, un juge des contentieux et de la protection a démissionné. Il avait alerté sur ses conditions de travail qu’il ne supportait plus. Sur les trois juges des enfants du tribunal, deux ont demandé leur déspécialisation, lassés du rythme insoutenable qu’ils devaient endurer. »
À Brest toujours, l’unique juge des libertés et de la détention est en arrêt depuis juin 2020. « Il a fallu des mois pour qu’un collègue placé arrive en renfort. Dans l’intervalle, les magistrats ont dû pallier la vacance, en plus de leur travail. » Côté greffe, la vacance de fonctionnaires serait de 20 %. Alors qu’au parquet, ils ne sont que huit à devoir absorber chaque semaine entre 11 à 14 audiences qui ne cessent de s’étirer en longueur.
Audrey Berrier l’affirme : « À Brest, aussi, on juge vite et mal. On n’est que dans la gestion des flux et ce, pour toutes les fonctions, qu’elles soient civiles ou pénales ». L’occasion de battre en brèche le discours du garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti affirmant qu’avec les derniers recrutements, la justice était réparée. « Ils découlent de décisions prises lors du quinquennat précédent. Et il s’agit de contractuels. On ne pérennise pas les postes, c’est un pansement sur une jambe de bois. »
Le pôle environnement, « une coquille vide »
Les réformes incessantes ne font qu’ajouter au chahut d’une institution au bord de la crise de nerfs. Ces dernières deviennent, de fait, impossibles à mettre en œuvre. Ainsi, dans le meilleur des cas, la prise de compétences du tribunal de proximité de Morlaix, instaurée par la loi du 23 mars 2019, ne sera effective qu’en janvier 2022, et non janvier 2021, comme prévu initialement.
Quant au pôle environnemental régional, confié à Brest en octobre dernier au détriment de Rennes, « c’est pour l’instant une coquille vide », déplore la magistrate. Des demandes de postes pour un juge d’instruction, un juge correctionnel et quatre greffiers ont été formulées à la chancellerie par le président du tribunal et le procureur, « sans retour à ce jour ».
Le parquet de Brest, qui a convié élus locaux et parlementaires lundi prochain, lors de son conseil de juridiction, aurait déjà fait savoir qu’il ne se saisira d’aucune affaire sur ce volet environnemental tant que les moyens humains ne seront pas arrivés. Un impératif qui sera certainement rappelé par les magistrats et les greffiers qui ont prévu un mouvement d’humeur mercredi 15 décembre devant les marches du palais de justice.
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