C’est un épineux dossier sur lequel vont devoir se pencher les prud’hommes de Saverne. Depuis 27 ans, Rabah Mekaoui travaille pour le brasseur Kronenbourg, à Obernai (Bas-Rhin). Près de trois décennies de fidélité et pas moins de 177 CDD, rapportent nos confrères du Monde. Plus précisément : 161 missions d’intérim et seize contrats à durée déterminée (CDD). En 2019, à l’approche de la retraite, ses proches lui conseillent de se renseigner auprès d’un avocat afin de demander un CDI. Une exigence qui va pousser le brasseur à se passer de ses services. Mais aujourd’hui, à 62 ans, alors que l’heure de la retraite a sonné, l’ancien employé de l’usine souhaite pouvoir bénéficier d’une retraite égale à ses collègues.
Fin 2021, devant le conseil des prud’hommes, son avocate, Me Nicole Radius, a accusé Kronenbourg d' »abus de contrats saisonniers » et a demandé la requalification de la carrière de son client en contrat à durée indéterminée (CDI). « Il a été loyal. Pendant près de trente ans, M. Mekaoui ne savait pas si sa mission allait être renouvelée la semaine suivante. Il ne connaissait pas le terme précis de ses contrats. Il ne s’est jamais mis en arrêt maladie, n’a jamais pris de congés, de peur de ne pas être repris. Cette situation très précaire a eu un impact sur sa santé, la qualité de ses relations familiales », insiste son conseil. Devant les prud’hommes, l’avocat de Kronenbourg, Me Emmanuel Andréo, s’est rangé derrière « la convention collective » qui autorise l’embauche de « salarié saisonnier ».
À la situation précaire de M. Mekaoui s’ajoutent également de longues années à subir des insultes à caractère raciste, poursuit Le Monde. Depuis 2012, l’entreprise n’aurait d’ailleurs pas embauché un seul employé portant un nom d’origine maghrébine, selon les registres du personnel de l’usine saisis par un huissier. Me Nicole Radius et son client réclament aujourd’hui 206.000 euros de réparation. La décision des prud’hommes est attendue le 1er février prochain.
Mais à Obernai, cette affaire est sensible, en raison de l’histoire qu’entretient la commune avec l’entreprise. En s’implantant dans la ville en 1969, Kronenbourg a créé des milliers d’emplois et relancé l’économie locale. « Les gens étaient si heureux que beaucoup gardaient la salopette au logo Kronenbourg durant le week-end », se souvient Bernard Schwartz, syndicaliste et ouvrier pendant 23 ans chez le brasseur.